19 mai '06

Messe d'action de grâce pour la béatification de Monseigneur Luigi Biraghi, Fondateur des Soeurs Marcellines

Oratoire Saint-Joseph, Montréal

 

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Textes bibliques: Apocalypse 3, 14.20-22 et Luc 10, 1-9

 

Chers amis,

La reconnaissance par l'Église de la valeur exemplaire de la vie de
l'un de ses enfants est comme un phare qui s'allume sur le chemin des
pèlerins de la foi que nous sommes. Appelés à suivre Jésus, nous avons
besoin de témoins qui, comme le bienheureux Louis Biraghi, nous
accompagnent dans notre marche à la suite de Jésus, en faisant rayonner
la lumière de l'Évangile.

En béatifiant Louis Biraghi, l'Église fait surgir au milieu du peuple
de Dieu une figure nouvelle, sauf, bien entendu, pour les religieuses
Marcellines et les personnes qui leur sont proches. Ce prêtre qui a
traversé presque tout le XIXe siècle nous est proposé, en ce début du
XXIe siècle, comme un guide spirituel et une inspiration dans le
domaine de l'éducation de la jeunesse. Nous trouvons ici deux
préoccupations majeures de notre époque : la quête spirituelle et la
transmission des valeurs et de l'héritage chrétien. Ces deux
préoccupations existent également dans la société et l'Église milanaise
où Louis Biraghi exerce son ministère.

Louis Biraghi a enseigné aux jeunes de son époque et il a exercé
auprès d'eux, en particulier les séminaristes, le ministère de la
direction spirituelle. Homme cultivé, chercheur, écrivain, professeur
de théologie et d'Écriture Sainte, il est au courant de ce qui se passe
autour de lui.

Il est sensible aux courants d'idée qui influencent la société de son
temps, comme la sécularisation, le progrès des sciences, la naissance
de l'archéologie et de l'exégèse bibliques. Il est conscient de
l'importance pour l'Église de ne pas vivre hors du monde mais d'entrer
en dialogue avec la culture moderne, dit-on aujourd'hui. Sa nomination
comme docteur à la bibliothèque Ambrosienne lui permet de se consacrer
à l'étude et à la recherche. Il comprend que la grande bibliothèque
doit contribuer à la formation d'un clergé cultivé, à la hauteur de sa
mission. Pour lui, l'étude et le savoir ne sont pas une menace pour la
foi et la religion. Au contraire, ce sont des moyens pour se doter
d'une foi éclairée et articulée, augmenter l'amour de Dieu et pratiquer
la religion comme un chemin de sainteté.

Sa clairvoyance lui fait aussi réaliser que l'éducation des jeunes
devenait de plus en plus séculière, échappant ainsi à l'influence du
christianisme. C'est ainsi qu'il fonde la Congrégation des Sœurs
Marcellines dont l'objectif ou la mission est l'éducation intégrale des
jeunes. Il s'agit non seulement de bien les instruire mais aussi de les
éduquer en leur transmettant les valeurs religieuses, civiques,
familiales et sociales qui doivent former un ensemble harmonieux.

Jusqu'ici, le parcours de Louis Biraghi peut ressembler à celui de
beaucoup d'autres personnes. Il convient maintenant de plonger dans
l'intimité de son être afin de découvrir le feu qui le dévorait. Les
extraits de l'Apocalype et de l'Évangile de Luc vont nous guider dans
notre brève exploration.

Voici que je me tiens à la porte et je frappe, dit le Seigneur aux
chrétiens de l'église de Laodicée. Si quelqu'un entend ma voix et ouvre
la porte, j'entrerai chez lui et je prendrai la cène avec lui et lui
avec moi (Ap 3, 20). Louis Biraghi a en effet ouvert toute grande la
porte de sa vie, le jour où le Seigneur a frappé chez-lui pour
l'appeler à devenir prêtre. À partir de ce jour, comme il le dira
lui-même, est né en lui la volonté de prendre le chemin qui conduit à
la sainteté. Et ce chemin n'était autre que le Christ lui-même.

Toute la spiritualité personnelle de Louis Biraghi est centrée sur le
Christ, car il le maître et le modèle à imiter. Il en fait le programme
des futurs prêtres dont il a la charge et de la Congrégation des
Marcellines qu'il a fondée. À ces dernières, il écrit dans la règle
d'étudier et de méditer la vie du Christ pour l'imiter et la reproduire.

L'imitation du Christ n'est pas toutefois une reproduction passive,
comme ferait un peintre amateur qui copierait l'ouvre d'un grand
maître. L'imitation du Christ se réalise dans les circonstances
singulières de chaque personne. Ainsi chacun et chacune est appelé à
faire ouvre de discernement et à manifester un esprit créatif pour
incarner les vertus que le Christ a fait resplendir de manière unique
dans sa vie publique et sur la croix, telles l'humilité, la pauvreté,
l'obéissance, la chasteté, la simplicité, la mansuétude, la patience,
la tendresse, l'innocence, la charité.

De toutes ces vertus, c'est la charité comme il se doit qui est le
fondement de la vie chrétienne attirée par la sainteté. La révélation
ultime de l'amour du Christ pour les êtres humains s'est accomplie sur
la croix, de sorte que le bois de la croix allume et alimente le feu de
la charité que nous devons avoir à l'égard de tout être humain. Louis
Biraghi confie ainsi à ses filles spirituelles le devoir de continuer
dans l'histoire la charité du Christ, de rendre présent l'amour dont le
Père, dans le Christ, aime tous les êtres humains.

Cette charité est puisée en particulier dans l'Eucharistie, puisque le
Christ y a déversé l'abondance de son amour. Sacrement du Christ par le
don qu'il fait de sa vie par amour, l'Eucharistie occupe une place
centrale dans la spiritualité de Louis Biraghi et de la Congrégation.
Lui qui ne passe pas une journée sans célébrer l'Eucharistie, il
établit un lien profond, connaturel, entre l'amour du Christ dans
l'Eucharistie et l'amour du prochain comme icône du Christ.

Centrée sur la personne et l'évangile du Christ, la poursuite de la
sainteté se situe dans le droit fil de l'incarnation du Fils de Dieu.
Elle sera donc incarnée dans la fidélité aux devoirs et aux tâches de
la vie quotidienne et de la mission que chacun doit remplir. On ne
trouve chez Louis Biraghi ni prodige ni miracle, ni ouvres
extraordinaires et exceptionnelles. La sainteté pour lui, c'est la
sagesse d'accomplir sa vie de tous les jours selon les règles de l'art
de la foi et de la charité.

Nous avons aussi entendu un extrait de l'évangile où Jésus envoie 72
de ses disciples en mission. Ils doivent le précéder et préparer sa
venue dans les villages où il doit passer. Les consignes que Jésus
donne nous indiquent que les disciples ne doivent pas s'encombrer de
bagages, mais faire confiance aux personnes qui les accueilleront et
s'occuperont d'eux. Cette simplicité de moyens poursuit un objectif
précis : les chargés de mission doivent être des témoins. Leur seul
bagage doit être l'expérience de leur relation avec Jésus. En
témoigner, c'est préparer les cours en vue de la rencontre personnelle
avec Jésus.

Je crois que cette façon de faire enseignée par Jésus est au cour du
projet éducatif que Louis Biraghi donne comme mission à la Congrégation
des Marcellines. Ici encore, on retrouve la poursuite de la sainteté
comme un objectif personnel à atteindre pour chaque religieuse, mais
aussi comme un moyen requis pour exercer la tâche d'éducatrice
chrétienne.

À ses yeux, il faut tendre vers la sainteté pour être une bonne
éducatrice, et c'est en exerçant avec compétence la profession
d'éducatrice qu'on peut progresser dans la sainteté. Autant il est
important d'être initié et de posséder sérieusement les sciences et les
connaissances que l'on doit transmettre aux jeunes, autant il faut
poursuivre la sainteté pour accomplir une ouvre d'éducation à la
hauteur de l'amour que Dieu porte aux jeunes.

Nous avons entendu Jésus conseiller à ses 72 missionnaires en
formation de ne pas circuler de maison en maison mais de demeurer là où
ils seront accueillis par un ami de la paix. On constate qu'un des
principes éducatifs de Louis Biraghi adopte une approche inverse.

Il insiste sur l'importance de demeurer près des jeunes et de placer
sous leurs yeux des exemples vivants et significatifs des valeurs qu'on
veut leur transmettre.

Il rappelle aussi l'importance de respecter l'individualité de chaque
jeune, de développer et de soigner la connaissance de chaque élève, de
cultiver un esprit de famille à l'intérieur de l'institution scolaire
afin que chaque personne puisse être appréciée et aussi apporter le
meilleur d'elle-même.

Dans le contexte actuel de la société québécoise où la transmission de
la foi et des valeurs chrétiennes ainsi que l'apprentissage de la vie
chrétienne par la catéchèse repose désormais entre les mains des
chrétiens, les intuitions et les principes de Louis Biraghi continuent
de nous inspirer.

L'ouvre d'éducation accomplie par les Marcellines, comme celle
d'autres communautés religieuses, apparaît de plus en plus
indispensable. Notre Église et notre société ont besoin de ces
missionnaires envoyés là où vivent les êtres humains pour y préparer la
venue du Seigneur, par une éducation qui tient compte à la fois de la
dimension spirituelle de la personne et de la révélation de l'amour de
Dieu dans la personne et l'évangile du Christ Jésus.

Au cours de cette célébration eucharistique où nous exprimons notre
action de grâce pour le don du Bienheureux Louis Biraghi à l'Église,
prions-le de veiller sur ses filles spirituelles afin qu'elles soient
fidèles à trouver le chemin de la sainteté dans l'exercice de la
mission qu'il leur a confiée. Prions-le également d'inspirer toutes les
personnes qui croient à un projet éducatif humain et chrétien, afin
qu'elles y apportent leur propre contribution.

Yves Guillemette ptre

Sources bibliographiques:

Ferragatta, Mary, Monseigneur Louis Biraghi. Fondateur des Sours
Marcellines, Éditions des Sours Marcellines, Milano, 1994.

Marcocchi, Massimo, «Spiritualità tesa all'imitazione di Cristo»,
Osservatore Romano, 29 aprile 2006, p. 6.

Turcotte, cardinal Jean-Claude, Homélie pour le 200e anniversaire de
naissance de Mgr Louis Biraghi, 2001.